Larbi Benchiha cinéaste documentariste |
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Amenzu – Bulletin de l'association culturelle des Berbères de Bretagne (avril 2006) Amenzu : Pour commencer, présente toi LarbiJe suis arrivé à Rennes en 1982 pour faire des études de travailleur social, à l'issue desquelles j'ai travaillé comme éducateur de prévention pendant six ans. Parallèlement, j'étais inscrit à Rennes 2 où j'ai obtenu un D.E.A. en sciences de l'information et de la communication. Amenzu : Comment ont été tes débuts dans le cinéma ?J'ai quitté le travail social en 1992 pour une formation de journaliste - reporteur d'Images à l'école des Gobelins à Paris. A l'issue de cette formation, j'ai travaillé comme journaliste indépendant pour plusieurs télévisions (TV Rennes, ARTE Info, France2, France3, la ZDF, M6...). Parallèlement je réalise des films documentaires. Amenzu : Quelles sont tes productions à ce jour ?J'ai réalisé une douzaine de films documentaires sur des phénomènes de société (l'exclusion sociale, la culture hip hop, le mouvement punk, la jeunesse des banlieues...). J'ai également réalisé un documentaire sur la question israélo– palestinienne au printemps 2002. Amenzu : Dans le cadre du Travelling, tu as produit un court métrage intitulé "l'Algérie, son cinéma et moi". Comment t’est venue l'idée de ce court métrage ?Une petite précision, le film que j'ai tourné sur le cinéma algérien n'a pas été produit pour Travelling. Il s'agit d'une production classique avec le soutien financier du CNC, mais il a été sélectionné et diffusé dans le cadre du festival Travelling. C'est une co-production de France3 Ouest et de la société Aligal Production. Amenzu : Dans quelles conditions s'est fait le tournage ?C'est la première fois de ma vie que je tourne en Algérie et que j'aborde la question algérienne dans un film. Je suis parti d'ici tout seul, j'avais un producteur exécutif (BL Production à Alger) et une équipe composée de trois personnes. L'équipe était très professionnelle et l'ambiance franchement agréable. Nous avons tourné dans des conditions tout à fait convenables. J'avoue avoir appréhendé la question sécuritaire, finalement j'ai travaillé avec une totale sérénité. Passés les deux ou trois jours d'adaptation, tout a fonctionné normalement. A aucun moment, je ne me suis senti perturbé par l'insécurité. J'ai très facilement obtenu l'autorisation de tournage, on ne m’a pas proposé d'escorte de protection et je n'en ai pas demandé. En tout ce fut une très belle expérience à la fois personnelle et professionnelle. J'ai commencé les repérages depuis la France, ce n'était pas très facile car les gens avaient du mal à comprendre pourquoi je m'intéressais au cinéma dans un pays englué dans des problèmes de survie. Mais une fois sur place les portes se sont ouvertes avec une facilité déconcertante. Toutes les personnes que j'ai rencontrées étaient d'un accueil et d'une sympathie hors du commun. Tous, sans exception, m'ont facilité le travail et ont accédé à toutes mes demandes. Qu'ils soient tous remerciés du fond du coeur. Amenzu : On n'a pas vu beaucoup de femmes dans ton court métrage. Est ce que la présence de la femme dans le cinéma algérien est à l'image de ce court métrage ?Tu exagères un peu, il y a des femmes dans mon film, Hafsa Koudil-Zinaï, il y a Yamina Bachir-Chouikh à travers son film Rachida mais elle n'a pas souhaité apparaître à l'image, j'ai en vain essayé d'intégrer Assia Djebbar dans le film, mais ce n'était pas possible, car elle vit aux Etats-Unis et de plus elle consacre son temps à écrire son discours d'investiture à l'académie française. Il y a ma mère, vous l'avez bien vue, or mon père qui vit encore n'est pas dans le film. Quant aux femmes dans le cinéma algérien, je vous le raconterai en 2007 puisque ce sera le sujet de mon prochain film en Algérie... Amenzu : Le cinéma algérien est aussi présent à l'étranger. As tu des échanges avec des acteurs algériens en France ou ailleurs ?J'ai des contacts avec des algériens qui évoluent dans le microcosme cinématographique en France. Mon frère est acteur, il habite à Paris. Je connais les potes de l'association Kaïna cinéma qui essayent de mettre un pont entre la France et l'Algérie, notamment avec les rencontres cinématographiques de Bejaia. Je suis en contact avec M. Allouache, M. Bouamari, M. Lallaoui, A. Rachedi et bien d'autres... Amenzu : Le cinéma berbère a été le grand absent de cette manifestation cinématographique Travelling. Quel est ton point de vue sur ce sujet ?Depuis le milieu des années 90, l'Algérie a vécu en huis clos. Peut être que le seul et unique aspect positif de ces quinze dernières années, c'est l'apparition d'un cinéma véritablement amazigh. Machahou de B. Hadjadj, La montagne de Baya, de A. Meddour, La colline oubliée de A. Bouguermouh, l’Ennemi sans visage de A. Hamina... C'est vrai, personnellement, j'aurais aimé voir plus de films berbères, je suis partisan d'un cinéma véritablement algérien, c'est à dire un cinéma qui nous parle et qui parle comme nous, en berbère et en algérien, je dis en algérien parce que je n'aime pas l'expression arabe dialectal, il y a un parler véritablement algérien, il est pluriel et multiple, il faut en user sans retenue et sans modération. Amenzu : Ton dernier mot.J’espère que ce ne sera pas mon dernier, mais qu’on criera encore et plus, maintenant et dans les années à venir, car il y a de quoi devenir fou quand on voit l’état dans lequel est notre pays aujourd’hui ! Le mot que j’ai envie de dire est le suivant : Vous savez que plus de 80% d’algériens sont berbères (Kabyles, Chaouias, Mozabites, Touareg… Sans compter les berbères marocains qui sont devenus algériens depuis plusieurs générations). Les 20% restants sont des arabes. Mais la réalité c’est qu’on est tous un peu berbère, un peu arabe, un peu turc, un peu gaulois, un peu juif, un peu africain, et c’est cela qui fait qu’on est un peuple riche de ses origines plurielles. C’est cette Algérie qui n’est l’exclusive d’aucune ethnie et qui appartient à toutes et à tous qui me plait et que j’aime ! Interview réalisée par Chérif Kadi |